Bonsoir… Ou bonjour, je ne sais pas trop quelle heure il sera lorsque vous lirez ce mail, cher Anonyme.

Ça doit faire bizarre de recevoir un mail d’une adresse inconnue — à vrai dire je n’en suis pas moi-même conscient, ça ne m’arrive jamais — et je tenais à m’excuser par avance de vous importuner. Il est quatre heures du matin et je m’ennuie terriblement, passé une certaine heure la vie semble se fondre à la nuit. Enfin tout ça pour dire qu’il n’y a plus personne en ligne. En fait.

Évidemment, me direz-vous, je pars du principe qu’on ne se connaît pas. Peut-être après tout s’est-on croisé quelque part mais dans ce cas il est fort probable que vous ne m’ayez pas remarqué ou que, pire, vous ayez été agacé par ma présence. Je pars du principe aussi que cette adresse existe — c’est un peu un pile ou face avec le hasard, après tout — et peut-être que ce n’est pas le cas. Dans ce cas ce mail s’échouera dans les limbes du net, là où vont tous les profils désactivés, les mails non reçus, les messages tapés puis effacés. Le cimetière du net, quoi. Un jour, j’aimerais bien voir ça.

Le pire, dans tout ça, c’est que je vous raconte toutes ces choses mais que je ne me suis pas présenté. Mon pseudo à moi c’est Spillikins et je travaille à mi-temps dans le fast food du coin. Parfois je me sens comme une frite géante et je suppose que la plupart des gens qui passent à mon comptoir me voit comme ça aussi. J’ai dix-neuf ans aussi. Et puis je fais des études de droit. Quand je place toutes ces informations bout à bout on dirait presque un cv et ça doit être très ennuyeux à lire mais c’est pour vous mettre à l’aise, après tout. Maintenant, peut-être ne vous suis-je plus tout à fait inconnu.

Et vous, qui êtes vous ?

Respectueusement,
Spillikins.