C’était la honte suprême pour le jeune rockeur. Déjà qu’il ne pleurait même plus devant ses parents depuis l’incident avec Rosa mais alors pleurer devant Ezekiel, son unique amant d’un soir, c’était le bouquet ! Enfin, ce n’était pas comme s’il pleurait régulièrement non plus, ce n’était pas une mauviette après tout. Seulement, les rares fois où il en avait besoin, il faisait toujours en sorte de se retrouver seul pour laisser ses larmes couler. Sinon il avait à tous les coups droit à une migraine carabinée pour le reste de la journée car il avait retenu aussi fort ces larmes qui auraient dû couler… Le pire, c’était que quand il commençait, il ne savait pas quand il pourrait s’arrêter. Il se voyait un peu comme une fontaine vivante dans ces moments-là. Pire : les chutes du Niagara ! C’était pathétique. Pourquoi fallait-il que ses larmes trouvent un instant aussi gênant que celui-là pour pointer le bout de leur nez ?! Tournant inexorablement le dos au beau blond qui l’avait séduit des années plus tôt, Ethan tentait vainement de stopper ses fichues larmes, utilisant d’abord ses mains pour les ôter sans succès. Il utilisa ensuite l’une de ses manches en guise d’éponge à chagrin, faute de mieux pour le moment. Que voulez vous ? Avec un peu de chance la source se tarirait et les larmes arrêteraient peut-être de couler…
Alors qu’il désespérait à calmer ses soubresauts de larmes, Ethan sentit des bras l’entourer. Prit de court, il sursauta, son cœur manquant presque un battement alors qu’il réalisait que ce front posé sur son épaule était celui d’Ezekiel. Il entendit très nettement un petit rire s’échapper les lèvres du blondinet, aussi voulut-il dès lors se débattre et s’enfuir le plus loin possible de lui. Seulement, il n’en eut pas le temps que son camarade s’affairait déjà à lui parler. Sa première phrase le statufia sur place. C’était on ne peut plus vrai. Pourquoi pleurait-il au juste ? Ce n’était pas lui qui était concerné dans l’histoire, mais le blond. Quelle idée aussi de toujours se mettre à la place de l’autre ! Ca ne lui attire décidemment que des ennuis… Il savait au plus profond de lui-même qu’il ferait mieux de s’en aller et de laisser ce séducteur à ses problèmes, mais il n’y arrivait pas. Son corps ne voulait pas bouger, et il sentit son cœur se serrer une nouvelle fois lorsque le blond s’excusa, tandis que de nouvelles larmes faisaient leur apparition sur ses joues. De nouveau surprit de sentir l’étreinte d’Ezekiel se resserrer autour de son torse, Ethan ne put retenir un soupir de stupéfaction. Pourquoi ? Ses mains ainsi disposées pouvaient très bien glisser par mégarde vers le bas de son corps, et cela, Ethan en avait peur. Cependant, malgré ses craintes, son corps lui semblait brûlant, tout particulièrement là où Ezekiel avait posé ses mains. Il sentait comme des papillons voleter dans son ventre tandis que ses larmes s’apaisaient doucement quand le blond le remercia. Il ne comprenait pas totalement ce qu’il se passait, ce qu’il savait c’était qu’il avait envie de rester là, contre Ezekiel, de sentir son corps contre le sien, tout simplement. Il posa l’une de ses mains sur l’une de celles du jeune homme, murmurant un « De rien » à peine audible tandis qu’il profitait juste de cet instant.
Ne sachant pas vraiment combien de temps ils restèrent ainsi, l’un contre l’autre à terre devant la vitrine d’une boutique, Ethan finit toutefois par ouvrir les yeux. Son sang ne fit qu’un tour en remarquant que de plus en plus de monde s’agglutinait autour d’eux, chuchotant et riant à mi-voix tout en les regardant. Prit de panique et d’effroi, Ethan réagit une fois de plus à l’instinct, oubliant l’espace d’une seconde à quel point cet instant était magique et qu’il aurait souhaité qu’il dure plus longtemps. Il s’ôta donc des bras de son ancien amant sans ménagement, se relevant d’un bond en faisant ensuite mine de regarder ce qui ornait la vitrine. Son cœur battait à cent à l’heure tandis qu’il espérait que les gens passent enfin leur chemin. Seulement, si son cœur battait si fort, c’était pour une autre raison : malgré l’abandon qu’il lui avait fait subir il y a des années, Ethan avait toujours de l’attirance pour Ezekiel, et sans doute plus qu’il ne l’aurait souhaitait… Tremblotant légèrement, il remarqua que son reflet dans la vitrine était rouge écrevisse, ce qui lui fit plaquer une de ses mains contre sa joue.
« D-Désolé. » S’excusa-t-il bêtement. « Ca devenait un peu gênant… Et puis je déteste avoir autant de regards rivés sur moi… »
Poussant un petit soupire las face à ses sautes d’humeur si puériles, Ethan laissa le feu de ses joues s’échapper à l’air libre tandis qu’il plaça ses mains dans ses poches de pantalon. Ce fut d’ailleurs ce moment que choisi son portable pour vibrer, faisant sursauter son propriétaire. Il mit toutefois la machine vibrante à son oreille dans un geste presque machinal après s’être interloqué devant le nom de la personne qui l’appelait.
« Ailee ? Pourquoi tu m’appelles ? T’étais pas censée être à ta fête à cette heure-ci ? »
« Si ! Mais ce connard de Julien m’a laissée tombée du coup j’ai plus de chauffeur ! »
« Et ? T’espères quand même pas me faire revenir pour te servir de taxi quand même ?! »
« Bien sûr que si. Si tu ne ramènes pas ta fraise à la maison dans les 10 minutes qui viennent je te jure que je retourne au centre commercial dans ma tenue de soirée et je te fais une scène devant tout le monde jusqu’à ce que tu changes d’avis. Tu veux voir ce que ça donneras peut-être ? »
« … T’es chiante. »
Sur ces doux mots chuchotés à sa sœur, Ethan raccrocha au nez de la demoiselle, rangeant son téléphone dans sa poche sans grande envie. Il avait perdu toute gaieté avec cet appel. Une vraie sangsue cette sœur. Seulement, il savait bien qu’elle serait capable de mettre ses menaces à exécution contrairement à lui, et il ne tenait pas vraiment à se faire encore remarquer dans cet endroit. Poussant un petit soupire, il tourna son visage vers le blondinet, le dévisageant vaguement. L’autre avait parlé si fort dans le téléphone qu’Ethan serait prêt à parier que son homologue avait entendu la totalité de la conversation. Affichant un sourire triste sur ses lèvres, il reprit la parole, cette fois dans le but de s’expliquer à Ezekiel.
« C’était ma sœur. Elle veut que je lui serve de chauffeur pour aller à sa soirée… » Dit-il simplement en guise d’excuse, le regard lointain. Pensif, il aurait voulu ajouter qu’il n’avait aucune envie de suivre les ordres de sa sœur et qu’il aurait volontiers préféré rester en compagnie encore un peu… Mais il avait bien trop de fierté pour le lui avouer, sans parler du fait que ses dires auraient très bien pu être mal interprétés. Il finit toutefois par se raisonner, plongeant à nouveau son regard de feu dans celui d’Ezekiel. « Et toi ? Qu’est-ce que tu vas faire maintenant ? » Bien qu’il ne voulait pas l’avouer, il était inquiet de ce qui allait se passer maintenant. Il espérait qu’Ezekiel ne tomberait pas à nouveau sur sa mère, auquel cas il y aurait sans doute un bain de sang. Enfin, c’était surtout parce qu’au fond de lui, une partie de sa personne avait peur de ne pas le revoir…