✖ Nom complet : Ardance Matrille. Sa mère appréciait l'excentricité avec laquelle Musset ou Gide avaient pu baptiser leur semence.
✖ Surnom : Ardy, mais il a horreur de ce sobriquet.
✖ Âge : Dix-huit ans.
✖ Emplois/Etudes/Occupations : Il est en première année de licence de philosophie.
✖ Orientation : Sa sexualité n'est ignorée de personne. Tous connaissent son amour inconditionnel pour les corps, qu'ils soient du sexe pourfendeur ou du sexe vorace. Toutefois, boursouflé dans son esprit par la vaginocratie que fait régner sa mère, il ne parvient pas à trouver dans une femme les plaisirs entiers qu'il savoure contre un mâle.
✖ Nationalité et origines : Français depuis plusieurs générations, il aurait des racines britanniques ; il hait les britanniques.
✖ Aime - N'aime pas : Il aime l'Art, la pluie et les orages, la nature, le miel et nager. Paradoxalement, il apprécie peu tout ce qui se rapporte au sport. Il n'aime pas faire du sport, pour faire du sport. Il abhorre les philistins, ces gens de peu de culture qui n'apprécient pas l'Art. Il exècre aussi les gens qui prétendent ne pas aimer l'hypocrisie alors qu'elle fait tourner le monde. Il hait les religions et tous leurs savants de l'ignorance. Et les gens passifs, qui prient pour subir et souffrir mais persévèrent dans leur indignation contre une vie malheureuse, définitivement trop malheureuse. Il aime tous ces mots qui disent la haine, mais déteste pourtant tant ne pas aimer.
| ✖ Description du physique : Des courbes féminines que révèlent des chinos taillés sur sa chair et un maigre buste que suggèrent d’amples mailles. Son visage roulé dans la porcelaine est coupé en traits anguleux qu’efface sa peau, blanche comme le discret plumage d’une colombe. Ses amandes brunes restent souvent mi-closes, plissées pour discerner le mensonge et l’erreur -il n’y a que la lie à boire dans le calice de la vie. Une fatigue d’obsidienne borde en poches ses iris surlignés par de clairs sourcils. Ses cils sont remarquables par leur longueur et couronnent dignement ces deux divines allégories qui portent en elles quelque charme mystique pour qui emprisonne l’instant d’un souffle ses pupilles dans les siennes. Son arc de cupidon dessine une arabesque sous laquelle s’agitent ses lèvres friponnes, tendrement rosées et pleines. Et, lorsqu’elles s’écartent pour composer un sourire, elles emportent dans leur course euphorique ses paupières qui se closent alors presque tout à fait, édulcorant de leur teinte ses joues élastiques. Ses cheveux sont d’un or terni, vestige de sa racaille de père.
Sous ses dents blanches roule une langue curieuse qui crache ses gaulois accents aristocrates. Il est fier de sa langue ; la langue française qui est toujours teintée dans son palet par l’espièglerie. Ses mots ne se heurtent jamais et sa voix est assez douce, même quand il parle fort. Son rire, lui, est beaucoup moins discret. Quand il éclate avec franchise, il fait écho comme le tonnerre d’une violente tempête.
Sous ses chemises ou ses pulls est un torse où ne figure aucune musculature. Il est maigre ; disons plutôt qu’il est mince, car il n’est pas non plus chétif. On pourra distinguer ses côtes si l’on s’intéresse particulièrement à son anatomie. Il a parfois essayé de cultiver son apparence, et de se dresser en admirable athlète, mais toutes ses tentatives se ponctuèrent de multiples échecs. C’est peut-être pour cela qu’il n’aime pas le sport. Il voulait être le premier en tout, mais il voulait bien accorder le triomphe de la victoire aux autres pour ce domaine. Il n’était simplement pas fait pour cela. Anomalie génétique : la paresse sportive. Il avait une volonté infernale lorsqu’il s’agissait des choses où il voulait régner en despote –assez éclairé pour aveugler la concurrence méphitique-, mais il en manquait si cruellement dès lors qu’il s’agissait de frapper dans un ballon –que ce fût avec ses pieds, ses mains, ou tout autre objet cabalistique !- qu’on ne pouvait croire qu’il fût si déterminé dans les autres domaines. Si ses gènes n’avaient pas été parfaitement réglés pour cela, ils lui avaient néanmoins offert un postérieur embrassé par les fées. Cet éphèbe imberbe n’avait rien d’exceptionnel qui le différenciât de toutes ces autres marchandises de Mars, mais en somme, il avait un minois plutôt appréciable, bien qu’il se confondît dans la cohue de la rue. Il avait une démarche légère, qui pouvait être féline par sa lenteur sensuelle ou sa célérité chasseresse, prêt à bondir sur une proie…
Ses doigts étaient longs et fins comme ceux d’un pianiste, et certains étaient enfermés dans des cercles d’argent ou d’or. Il déversait toutes ses inquiétudes dans le silence du diamant. C’était un confident éternel que rien ne brisait. Il laisse souvent dans son sillage la sueur d’un Yves Saint Laurent…
✖ Description du caractère : Toujours la solitude sous ses pas aériens. Toujours elle le gardait avec une jalousie féline entre ses bras tranchants, qui répandaient leur acrimonieux poison sur tous les infortunés qui voulaient lui arracher son innocente proie. Toujours dans son esprit lui composait-elle moult symphonies pour qu’il fût satisfait et ne veuille pas s’en détacher ; il ne l’aimait pas, et les aimait encore moins. Ses pas résonnaient, rythmés par les magies d’un métronome, sur les carreaux éclatés des couloirs, orchestrés par le tableau que brossaient les éclairages artificiels. Sous cette guirlande jaunâtre, il n’avait jamais trouvé d’autres bras que ceux de cette femme qui l’aliénait, Solitude.
Elle le préservait des funestes idées qui vaquaient impunément dans son crâne de verre ; translucide comme un œil perdu dans l’échine de la mort et qui livrait volontiers son génie atrophié. Cette femme mécanique, longiligne au corps d’acier que noircissent les âges, et à la chevelure tentaculaire qui s’agitait jusqu’à son bassin d’où elle saisissait le mâle de son corps, était une moindre souffrance. Elle n’était qu’une plaie ouverte sous son regard sanglant plutôt que la balafre venimeuse du néant qui aurait tout rongé de sa conscience.
L’essence d’Ardance est celle d’un virtuose manqué. Sa hâte avait été telle que la nature n’avait pu voir ce vif éclair se dérouler sous ses yeux, et sa prompte envie à écarquiller ses yeux sur ses merveilles lui avait fait oublier qu’à se presser, l’on manque sa propre substance. Très jeune intéressé par les arts, il ne produisait rien qui lui plût et mit cela sur le compte de velléités. Sa volonté si ardente était défigurée, irréversiblement, par son manque de capacités, en blême désir dont il ne pourrait jamais jouir de la satisfaction. Il est un prodige avorté, qu’on a balancé comme une vulgaire ordure dans les étendues infinies avant de l’avoir lui-même achevé. Il a par conséquent toujours un manque en lui. Un creux de vaine volonté qu’il tente de combler comme il peut.
Du manque d’amour qui la définissait, son existence devint le récit d’une histoire de culs ratée. Finalement, pour effacer l’image du plaisir génial incrustée dans sa rétine, illusion entre ses mains, il eût fallu métamorphoser ce gène de peine en une saveur plus céleste. Il plongea ses lèvres dans la voluptueuse ambroisie et y succomba ; corps et âme. Mais il s’avéra être un inverti, bien qu’il ne reniât guère les étreintes vénériennes auxquelles il trouvât quelque pudibonde bestialité fascinante. Il sublima ces paysages charnels dont le souvenir lui apparaissait dans ses rêves. Les caresses contre sa peau faisaient frémir jusqu’à son imagination, et le murmure ébahi de son nom, dans le creux de son long cou blanc, immolé sur l’autel, l’exaltait. Ces instants où il s’entendait hissé en prince parmi les constellations, où il se voyait narguer dans les yeux tous les divins depuis le firmament, étaient un éclat de la gloire à laquelle il aspirait avec tant d’avidité.
Il était un jouisseur égoïste, hédoniste éhonté, et put enfin se défaire de la solitude dès qu’il eut découvert les joyaux et les affres du fruit défendu. Solitude, mère bafouée par tous les hommes qui marchent dans de neufs horizons. Elle était autrefois une flagorneuse qui, de sa satisfaction feutrée, emplissait ses doutes de certitudes : il était grand, son art était puissant. Mais le champion des arts ne laissa plus aucune ombre étouffer son dessein icarien de conquête. Il voulait la gloire ; il s’en était délecté dans l’ultime fragrance, et ne pouvait plus qu’en éprouver la nostalgie. Il était un chasseur de reconnaissance, méthodique, inébranlable. Rien ne passerait avant son ascension jusqu’au trône de domination. Absolument rien. Son génie était naturel ! Qui aurait pu en douter ?! Ni la musique, ni la peinture, ni la poésie ne lui échapperaient ! Il prendrait tout entre ses serres peccamineuses !
Ambitieux, trop ambitieux. Sous ses airs chauds et angéliques, il était un cosmos de paradoxes qui s’assemblaient dans une harmonie chaotique. Derrière ses airs angéliques, il est en vérité quelqu’un pour qui la fin justifie les moyens, et il maudit son physique gracile de n’être pas à la hauteur de sa malice. Nihiliste exacerbé, il anéantit tout en fantasmes pour bâtir de nouvelles fondations dont il est l’unique architecte. Et il conspuera tous ces sales consanguins abrutis à qui cela ne plaira pas ! Particulièrement sadique, s’il peut paraître être quelqu’un de très sociable, il ne s’attache en vérité que difficilement aux gens. Sa préférence virile le rend plus enclin à nouer des liens avec des garçons qu’avec des filles. Toutefois, s’il s’attache à quelqu’un, c’est de manière presque fusionnelle ; il est alors quelqu’un digne de foi et prêt à tout pour soutenir ceux qu’il aime. A-t-il néanmoins été jamais amoureux de quelqu’un à en céder sa raison et sa vie ? Sans doute pas encore…
Mais, la solitude nourrit envers lui une éternelle rancœur et pour se venger d’avoir été ainsi gerbée par son soupirant, elle l’assaille même lorsqu’il est entouré –et il l’est. Ainsi, derrière son air sérieux quand il faut l’être, ses rires et sourires légers et la façade de son ouverture candide, il manque cruellement de confiance et se sent toujours seul. Il est aussi terrorisé par la violence, la mort. Enfin, sa mémoire est parsemée des immondices engendrées par la solitude, ainsi que son corps qui en garde la marque sur ses deux poignets cicatrisés. Dans ses moments d’effroi, il est si stupéfié qu’il est incapable d’agir ou de penser, et se retrouve aussi vulnérable qu’un animal immobilisé sur la toile d’une araignée carnassière…
✖ L'histoire de votre personnage : Mon cher Ardance,
Elle m’avait subjugué lors de ses premiers pas. Elle ne jouait pas, elle était. Elle possédait Andromaque avec tant de cœur qu’elle incarnait Pyrrhus dans le regard de tous ceux, dans la salle, qui retenaient leur souffle pour ne pas briser le sien. Les planches étaient son exorcisme, et elle y aliénait les spectateurs, qui se précipitaient volontiers dans la folie pour saisir un instant la vérité de sentiments aujourd’hui morts entre les mains mercantiles. Après qu’elle eut repris ses esprits, l’audience bondit, et les applaudissements et les bravos éclatèrent en harmonie. Le grain de sa peau était blanc comme le marbre des anciennes statues.
On se répandait en louanges dans les colonnes de la presse parisienne, assurant que sous notre égide partagée, la tragédie racinienne s’élevait au-delà de tous les panthéons littéraires. Tu sais ce qui est arrivé ensuite. Comme une fatalité qui n’épargne pas les artistes qui bâtissent une gloire commune, fondée sur deux génies aussi grands nous nous sommes épris l’un de l’autre. Et comme toutes ces victimes de la fatalité, entends bien mon fils que ce n’est pas l’amour qui nous a liés, et ne cultive contre moi aucune rancœur… Qui touche aux délices de la gloire ne veut plus s’en défaire, et nous étions tous deux conscients qu’une grande une nous ferait toucher des sommets plus lumineux. Même après sa mort, notre couple restait immortel, ancré dans les pensées du monde artistique comme modèle suprême.
Tu l’adores, alors ne m’en veux pas d’emprunter à ton personnage son excuse la plus veule : ce n’est pas ma faute… Avoir un enfant était inconcevable. L’art ne s’embarrasse pas de carcans moraux, et rien n’est plus moral qu’une famille. Alors, j’ai fui. Ma pusillanimité a toujours été plus grande que mon humanité, et mes rêves de postérité n’ont cessé d’être une tentation plus grande que le bonheur. De toute façon, je n’envisageais pas le bonheur à travers toi ; c’est-à-dire à travers une famille. Tu n’étais que fœtus sous sa peau tendre, mais tu m’effrayais. Avant qu’elle n’accouchât, je suis parti loin sans laisser de mot pour ta venue au monde. Je n’en avais laissé que pour ta mère, qui était la seule que j’avais jamais aimée avec tant d’ardeur, bien que ce fût de son talent que j’étais amoureux. Les Etats-Unis m’ont très bien accueilli, et mes mises en scène y étaient saluées.
Peut-être en douteras-tu, mais je me suis toujours enquis de tes nouvelles. J’écrivais beaucoup à ta mère, au moins chaque semaine, et jamais l’encre ne s’est épuisée au bout de ma plume au cours de toutes ces années. J’essayais d’être un père attentif dans ses mots ; te souviens-tu de ce ballon de rugby que je t’avais fait parvenir pour tes 10 ans ? Hélène m’avait dit qu’il ne t’avait pas plu, que tu n’aimais pas le sport. L’année suivante, je t’ai donc envoyé Le Vieil Homme et la Mer, mais il ne t’a pas plu non plus. Tu disais ne pas aimer tous ce qui venait de mon pays. N’était-ce pas plutôt parce que tu étais trop jeune ? Ou peut-être reniais-tu tout ce qui venait de moi ?
Jusqu’à ta dixième année, tu avais grandi comme tout enfant. Ton environnement était calme et propice aux études. Hélène t’a parfaitement éduqué, et a fait de toi un enfant que voudraient toutes les mères. Mais, elle était un peu mère poule, n’est-ce pas ? Elle te couvait beaucoup. Beaucoup trop. Elle t’étouffait, distillait en toi toutes ses peurs et tous ses désirs. Après tout, elle était comédienne, elle ne pouvait pas élever seul un enfant. Elle me l’avait fait comprendre, en me reprochant d’être parti si vite, de n’être pas même resté pendant tes dix premières années. J’aurais pu partir après, elle ne m’en aurait pas voulu ! Tu aurais été formé, prêt à te lancer dans la vie, à rencontrer des gens qui auraient vécu comme tous les gens ! Alors, elle avait essayé de trouver des hommes qui auraient pu servir de figures paternelles de substitution. En vain. Tu assistais à ce défilement de visages masculins, indifférent. Tu avais appris à n’aimer que ta mère, et tu en avais l’habitude, comme tous ces croyants qui éprouvent pour la Vierge un sentiment de filiation religieuse –je sais que la comparaison te heurtera.
Le collège ne s’est pas passé comme avant. Elle s’attendait à autant de sérénité qu’auparavant. Mais, si tu étais toujours aussi brillant et que tu ne faisais naître aucune inquiétude dans nos cœurs, elle me rapportait dans ses lettres ton insolence. Tu étais perturbateur, disais franchement ce que tu pensais. Et vint ce qui devait arriver. Un jour, innocemment, tu avais posé tes lèvres innocentes sur celles d’un autre garçon. Elle avait été spectatrice, pour une fois, et plus comédienne ! En une semaine, elle m’avait écrit plus de lettres qu’elle ne m’en écrivait en un mois. Elle se faisait le reproche d’avoir été une mauvaise dramaturge et d’avoir composé ta vie comme une farce. Puis, elle se calma quand elle te vit avec des filles. Elle se persuada que ce n’était qu’un passage. Il se cherchait, hein ? m’écrivait-elle avec angoisse. Je n’avais rien à dire, je n’avais pas à juger quoi que ce fût, puisque je n’avais pas été là. Alors, je la rassurais, l’encourageais…
Vers la fin du collège et pendant tout le lycée, tu t’es mis à beaucoup écrire. Tu étais persuadé de ton talent, et tu en étais fier. Tu avais même écrit une pièce en un acte pour ta mère, en lui disant qu’un jour, tu lui écrirais toute une tragédie en alexandrins qu’elle jouerait dans un théâtre à l’italienne, prête à accueillir un parterre de roses admiratives. « Par nostalgie d’un père mort. », disais-tu que tu l’écrirais. Ce serait ta revanche sur ce monde qui t’avait arraché cet étranger dont tu n’avais vu le visage que sur papier glacé… Mais à la fin du lycée, tu as découvert la philosophie et tu as abandonné toutes tes ambitions artistiques. L’écriture ? Jamais ! Dorénavant, tu raisonnerais. Tu ne ferais plus de l’Art, tu le penserais pour les mondes à venir ; car quand l’Art sera mort, sa pensée restera. Ta pensée restera. Pour comprendre pourquoi cette impossible mort de l’Art sera survenue.
Finalement, tu voulais que l’Art meure. Tu le chérissais plus que tout, mais tu le préférais mort et figé dans le jadis plutôt que dans sa décadence présente, qui menaçait d’entraîner dans son horreur toutes les merveilles du passé, et ainsi non plus de tuer mais de faire pourrir l’Art. Ce fut la seconde déception de ta mère, après ta sexualité que tu assumes désormais. Maintenant que tu as 18 ans, je me repens de tous mes torts… Peut-être ne te serais-tu pas construit tel que tu es si j’avais été là… Mais je ne m’en veux pas. Au contraire, si c’est une Lumière pour les générations que ma vie ne connaitra pas que j’ai engendrée, je m’enorgueillirai d’avoir été un salaud et de n’avoir vécu que pour moi. Toi-même, ne vis que pour toi, mon fils ! Les salauds ne le sont qu’un temps, et l’Histoire ne retient rien de la conduite des Grands ; elle ne retient que leur génie. Ou ne les retient pas. Vis et règne, mon fils !
D'un homme, grand par ce qu'il a fait, grand d'avoir créé un Grand, D'un père qui fut un homme, un homme qui par ton sang sera toujours ton père.
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